Shinrin Yoku et sylvothérapie

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Animisme et rapport à la Nature

L’Asie et le Japon en particulier ont toujours conservé un lien particulier avec la Nature du fait du maintien de leurs traditions religieuses. Le Shintoïsme a notamment entretenu l’idée d’une Nature sacrée avec les kami, ces esprits qui incarnent des forces naturelles et qui peuvent être associés à une rivière, un montagne, un arbre, une forêt ou même un vent. Les kami étant présents partout, de nombreux espaces naturels étaient sanctuarisés et il est commun au Japon de croiser un lieu de culte au détour d’une balade en forêt.

En Europe, ce rapport à une Nature sacrée a été méticuleusement effacé par un Christianisme qui voyait d’un mauvais œil le maintien des pratiques animistes encore très présentes à l’époque des Celtes. Une source sacrée s’est alors transformée en une fontaine dédiée à Sainte Catherine. En effet, l’église a utilisé la carte des Saints pour assurer la transition entre les pratiques païennes locales et le récit chrétien. Même si nous voyons apparaître ces dernières années une résurgence de la culture celte avec le néo-druidisme, voilà plusieurs siècles que nous avons perdu culturellement cette relation sacrée avec la Nature.

Au Japon, ce sont les impératifs économiques du XXe siècle qui ont mis en péril cette relation. Augustin Berque, géographe et spécialiste de l’Orient, évoque ce tournant en ces mots : “Pour avoir, après la défaite de 1945 et l’occupation qui l’a suivie, introduit des modèles américains dans l’urbanisme, l’aménagement et le mode de vie en général, alors que sa spatialité n’avait rien à y voir, le Japon a massacré son territoire.”

Un massacre écologique mais aussi humain car l’urbanisation s’accompagne d’un effort de productivité qui va provoquer dès les années 1980 des vagues de dépressions et de suicides. Le Japon est dans un malaise existentiel et de nombreux japonais sont nostalgiques de leur jeunesse à la campagne. On peut notamment percevoir cette mélancolie dans l’œuvre du réalisateur Hayao Miyazaki qui met en scène le Japon de son enfance dans plusieurs de ses dessins animés, comme par exemple dans Mon voisin Totoro. Un autre produit culturel japonais porte aussi le sceau de ce sentiment : le jeu vidéo Pokémon. Son créateur, Satoshi Tajiri, a imaginé le concept de capture et de collection de monstres en se rappelant les longues heures passées dans sa jeunesse à observer la Nature et les insectes.

Naissance du Shinrin Yoku

C’est dans ce contexte particulier, entre mal-être et nostalgie, que va naître le Shinrin Yoku, littéralement “bain de forêt”. Cette pratique remet les japonais sur le chemin de la Nature en proposant des marches lentes dans la forêt accompagnées d’exercices de respiration. Dans un pays où le Shizen renvoie à l’idée que tout le monde est connecté à la Nature et où les kodama, divinités liées aux arbres, peuplent les forêts, le Shinrin Yoku est tout de suite pris au sérieux. Loin d’une perception folklorique que peut provoquer ce type de pratique en Occident, le bain de forêt fait l’objet d’un programme sanitaire national au Japon dès 1982.

La première forêt officielle pour la pratique du Shinrin Yoku est celle d’Akasawa, dans la préfecture de Nagano. Considérée comme une des plus belles forêts du Japon, elle présente une haute valeur thérapeutique grâce à la présence de nombreux cyprès du Japon, les hinoki, hauts de près de 35 mètres et dont le tronc rouge foncé desquame. Cette essence, riche en principes aromatiques, est plébiscitée par les nombreux pratiquants de la thérapie forestière. Tous les ans, le pays du soleil levant compte environ 5 millions de pratiquants de Shinrin Yoku qui viennent sillonner les forêts aménagées spécialement pour eux.

A l’image du Japon, cette discipline est la parfaite synthèse entre tradition et modernité : elle s’inscrit dans une pratique culturelle de recueillement dans la Nature, tout en y apportant une vision scientifique. Car oui, au Japon, le Shinrin Yoku est appréhendé comme une pratique médicale et fait l’objet de protocoles médicaux précis.

Chaque japonais peut se faire prescrire une cure de Shinrin Yoku qui sera remboursée par l’assurance maladie. La personne devra alors se rendre dans une clinique spécialisée, souvent à l’entrée des forêts thérapeutiques, afin de faire un bilan de santé et se voir ensuite proposer un programme personnalisé d’immersion dans la Nature.

Une activité qui se professionnalise

C’est grâce au sérieux de la démarche que nous avons pu bénéficier d’autant d’études sur les bienfaits du bain de forêt pour la santé. En effet, de nombreux médecins japonais ont rapidement voulu décrypter les résultats bénéfiques observés sur le terrain. Nous avons évoqué à plusieurs reprises les études du Dr Qing Li mais nous pouvons aussi citer le professeur Yoshifumi Miyazaki qui a été un des précurseurs de la pratique.

En fonction des enjeux thérapeutiques, les protocoles sont personnalisés et varient sur des paramètres de fréquence et durée d’exposition (balade lente de 2h ou immersion de plusieurs jours), de types d’exercice (respiration, observation, activation des sens) ou encore de types d’essence (conifères ou feuillus). Le guide de Shinrin Yoku peut proposer des accompagnements individuels ou collectifs.

Voici un résumé des bénéfices qu’ils ont pu obtenir à travers leurs différentes recherches. Pour les détails, vous pouvez retrouver les références de ces études dans les chapitres dédiés aux vertus thérapeutiques de la Nature.

La pratique du Shinrin Yoku s’est rapidement étendue au-delà des frontières du Japon. D’abord dans d’autres pays asiatiques, comme la Chine et la Corée chez qui on retrouve ce rapport à la Nature sacrée, mais aussi plus récemment dans certains pays occidentaux. Il faut dire que tous les pays fortement urbanisés partagent les mêmes enjeux de santé comme les maladies de civilisation déjà évoquées.

Si la Chine et la Corée du Sud ont intégré cette pratique dans leur système de santé, les bains de forêt sont pour l’instant confidentiels en Europe ou aux USA.

La sylvothérapie en France

En France, les pionniers ont souvent ramené la pratique dans leur valise après un séjour au Japon. Certains s’inscrivent dans l’approche japonaise en devenant guide certifié de Shinrin Yoku, titre délivré par la très officielle International Society of Nature and Forest Medicine. D’autres préfèrent colorer la discipline avec leur propre sensibilité. On voit alors fleurir des pratiques disparates sous la bannière francisée de Sylvothérapie, la thérapie de la forêt.

Georges Plaisance (1910-1998), un ingénieur des Eaux et Forêts, sera un avant-gardiste dans le domaine en publiant en 1985 son ouvrage Forêt et santé : guide pratique de sylvothérapie. Nous pouvons citer Jean-Marie Defossez ou Stéphane Boistard, deux auteurs qui prirent le relai de Georges Plaisance pour promouvoir la discipline en France.

La pratique du Shinrin Yoku vise à capter l’atmosphère de la forêt à travers les cinq sens et contient une dimension spirituelle inhérente à la tradition shintoïste. Pourtant, elle reste encadrée et parfaitement connectée avec le système de santé japonais.

La sylvothérapie est pratiquée dans un contexte bien différent de défiance autour des démarches alternatives en matière de santé. Les médias s’amusent à résumer la discipline à faire des câlins aux arbres. De telles caricatures sont symptomatiques d’une culture française conservatrice, voire protectionniste, en matière de santé. Au lieu de présenter les nombreuses études qui démontrent l’efficacité des bains de forêt pour réduire le stress ou encore stimuler l’immunité, on préfère mettre en scène les praticiens qui versent dans une dimension énergétique qui catégorise d’office la pratique dans la case folklorique.

La reconnaissance en France des bains de forêt comme outil thérapeutique ne pourra se faire qu’avec un effort de structuration de la profession et d’uniformisation des pratiques. Mais l’engouement du public est bien là et les institutions commencent à en prendre conscience.

En juin 2021, l’espace naturel d’Hostens Gât Mort, dans le parc naturel régional des Landes de Gascogne, est devenu le premier site français labellisé pour la pratique des bains de forêts par l’International Society of Nature and Forest Medicine. Une belle victoire pour Pascale d’Erm et Bernadette Rey qui ont accompagné la démarche de labellisation.

Alors que la France fait partie des pays champions du monde de la consommation d’antidépresseurs (40 comprimés par jour en moyenne pour 1000 habitants), la sylvothérapie avec ses bienfaits prouvés sur le stress ne peut plus rester cantonnée à son étiquette de fantaisie sylvestre. Son intégration dans des protocoles d’accompagnement de la dépression devrait être sérieusement étudiée par les professionnels de santé qui doivent simplement apprendre à s’ouvrir à la Nature.

En tant que guide certifié, je vous propose des séances de Shinrin Yoku à Nantes et ses environs.

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