Le café est-il bon pour la santé ?

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Le café fait couler beaucoup d’encre. Objet de convoitise par les passionnés de grand cru, béquille pour des millions de travailleurs et ennemi de la santé pour ses détracteurs, nous prêtons à cette graine torréfiée des vertus tout en alertant aussi sur ses dangers. Partons sur la route du café à travers l’histoire, la botanique et un peu de chimie afin de mieux comprendre la relation complexe que la société moderne entretient avec cette boisson.

 

Le café, fruit de la mondialisation

La légende attribue la découverte du café à un berger éthiopien du nom de Kaldi qui aurait remarqué que ses chèvres devenaient particulièrement agitées après avoir mangé les baies d’un certain arbre. Cette observation, datant de 850 avant J.-C., a marqué le début de l’histoire du café. Les Arabes sont les premiers à avoir utilisé le café comme boisson tonique. Avec l’expansion de l’Islam, le café a rapidement gagné en popularité. Des lieux de rencontre appelés « maisons de café », où les gens discutaient, jouaient à des jeux et écoutaient de la musique tout en savourant cette boisson exotique, ont vu le jour.
La consommation de café dans le monde a atteint des chiffres stupéfiants : 500 milliards de tasses sont bues chaque année. Cette demande massive en fait la deuxième marchandise la plus achetée après le pétrole. À eux deux, le Brésil et la Colombie pèsent 40 % de la production mondiale.
L’énorme succès du café a cependant un coût écologique. L’expansion des plantations se fait souvent au détriment des forêts tropicales. Cette déforestation est un problème majeur en matière de préservation de la biodiversité et d’impact climatique.
Le bilan carbone du café est également préoccupant. Son transport depuis les pays producteurs génère d’importantes émissions de CO2. De plus, sa culture nécessite des quantités d’eau importantes et une utilisation massive de produits chimiques tels que les pesticides et les engrais, menaçant l’équilibre naturel local.
Enfin, les déchets associés à la consommation de café, tels que les capsules et les gobelets jetables, contribuent également au problème global de pollution. Heureusement, des initiatives pour promouvoir un café équitable et biologique, ainsi que pour réduire les déchets, se multiplient ces dernières années.

Un peu de botanique

La graine de café est issue du fruit du caféier, un arbuste tropical originaire d’Afrique. Celui-ci fait partie de la famille des Rubiacées au même titre que son cousin le gaillet gratteron, une herbe très commune chez nous. Il existe plusieurs espèces de caféier avec chacune ses propres caractéristiques et saveurs.
Les deux principales espèces de caféiers sont Coffea arabica, donnant le café arabica, et Coffea canephora, donnant le café robusta. L’arabica, qui représente environ 80 % de la production mondiale de café, est généralement considéré comme de meilleure qualité et possède un goût plus doux et plus complexe. Le robusta, en revanche, est plus fort et plus amer, avec une teneur en caféine plus élevée.
Cultiver du café n’est pas une tâche facile. En plus de sa sensibilité aux maladies et aux parasites, le caféier a besoin de conditions climatiques bien spécifiques et des sols très riches. Les agriculteurs doivent faire attention à l’équilibre entre l’ensoleillement, l’ombre, la pluie et la température pour assurer une récolte saine. Les changements climatiques représentent d’ailleurs un sérieux défi pour la culture du café. La hausse des températures et les changements des régimes des précipitations peuvent rendre certaines régions inadaptées à la culture, menaçant les moyens de subsistance de millions d’agriculteurs.

Les procédés de transformation

Il existe plusieurs procédés de transformation pour passer du fruit récolté sur l’arbre au café prêt à être dégusté. Le café dit “nature” est obtenu après un séchage direct au soleil du fruit avec sa pulpe, suivi d’un dépulpage – c’est-à-dire que la peau et la pulpe sont retirées – et d’une torréfaction. Cette méthode est la plus ancienne et elle est couramment utilisée dans les pays avec un fort ensoleillement comme l’Éthiopie. Elle donne au café un goût plus doux et plus lisse en permettant à la pulpe de fermenter lentement pendant le séchage.
Le café “lavé” est un autre procédé populaire. Le café est dépulpé juste après la récolte et les graines sont ensuite mises à fermenter dans des bacs d’eau pendant un à deux jours. La fermentation dans l’eau aide à dissoudre les mucilages, des substances collantes entourant la graine. Les grains sont ensuite séchés, soit au soleil soit dans des séchoirs mécaniques, avant d’être torréfiés. Le café lavé a tendance à avoir une acidité plus prononcée mais ce procédé de transformation donne un meilleur contrôle de la qualité des grains.
Le café vert correspond à la graine du caféier arrivée à maturité qui a été simplement séchée et dépulpée. Il diffère du café traditionnel car il n’a pas subi le processus de torréfaction. Le café vert contient ainsi plus d’acide chlorogénique, un polyphénol aux propriétés antioxydantes, antimicrobiennes, hépatoprotectrices, cardioprotectrices et neuroprotectrices.
Enfin, un procédé de transformation unique est celui utilisé pour le kopi luwak. Ce café d’exception est issu de grains de café récupérés dans les excréments d’une civette asiatique. Les graines qui sont passées à travers le système digestif de l’animal développent des notes aromatiques spécifiques grâce aux réactions enzymatiques. Ainsi, le kopi luwak est le café le plus cher au monde, vendu entre 100 et 600 dollars américains la livre. Cependant, la méthode soulève des préoccupations éthiques concernant le bien-être animal.

La composition du café

Le café est une boisson complexe qui a fait l’objet de nombreuses études. Il contient environ mille constituants dont la caféine qui est le plus connu et le plus étudié. La caféine est un alcaloïde, ce qui la place dans la même catégorie que d’autres substances psychoactives notoires telles que la nicotine, l’atropine, la morphine, la cocaïne et la quinine. Les alcaloïdes sont connus pour leur toxicité et leurs actions sur le système nerveux. La caféine stimule le système nerveux central en bloquant les récepteurs de l’adénosine, un neurotransmetteur qui module le système nerveux et favorise le sommeil. En conséquence, la caféine agit comme un désinhibiteur sur l’activité cérébrale, accélérant la pensée et la concentration.
Les effets de la caféine ne s’arrêtent pas là. Elle pousse aussi les glandes surrénales à produire plus d’adrénaline, stimulant ainsi le cœur, les poumons et les muscles. Cette hormone associée au stress favorise un état de catabolisme qui donne la priorité à la production d’énergie en dégradant de la matière. Avec une demi-vie de la caféine dans l’organisme qui peut atteindre 4 à 6 heures, le corps peut se retrouver dans cette configuration de survie pour une durée bien plus longue qu’une situation naturelle de danger.
Le café est également composé d’autres substances actives comme les tanins ou les polyphénols, tels que l’acide caféique et l’acide chlorogénique qui agissent comme antioxydants, en particulier dans le café vert. On retrouve également des diterpènes, comme le cafestol et le kahwéol, aux propriétés anticarcinogènes, bien qu’ils soient généralement retenus par les filtres à café.
Enfin, les éléments nutritifs trouvés dans le café incluent les vitamines B2, B3, B5, ainsi que des minéraux comme le magnésium et le cuivre. Il convient de noter que l’apport en vitamines et en minéraux du café est assez négligeable au regard des quantités, ce qui limite son potentiel nutritionnel.

Les propriétés du café

Le café présente une gamme complexe de propriétés et d’effets sur la santé, positifs et négatifs. Concernant ses qualités positives, le café est souvent salué comme un stimulant intellectuel. La caféine qu’il contient améliore la concentration, la mémoire et la vigilance mentale, contribuant ainsi à la productivité et à l’efficacité dans les tâches intellectuelles. Certains chercheurs ont également suggéré que la consommation régulière de café pourrait jouer un rôle dans la prévention de la maladie d’Alzheimer, bien que les études à ce sujet soient encore à un stade préliminaire.
Le café agit également comme un stimulant digestif, en particulier pour les personnes souffrant de constipation, en activant le péristaltisme intestinal. Les antioxydants qu’il contient peuvent protéger contre certains dommages cellulaires, et la boisson est également connue pour être un diurétique léger. D’un point de vue métabolique, le café aide à la combustion des sucres et des graisses, ce qui contribue à la perte de poids et au contrôle du taux de sucre dans le sang.
Mais le café n’est pas sans inconvénient et peut entraîner nervosité, anxiété et insomnie chez certaines personnes, en particulier lorsqu’il est consommé en grandes quantités. De plus, la présence d’acrylamide, cette substance, formée lors de la torréfaction par la réaction de Maillard et classée comme cancérogène probable, a suscité des inquiétudes, bien que son lien direct avec le cancer n’ait pas été complètement démontré.
Le café peut également affecter la tension artérielle, provoquant souvent une augmentation temporaire de celle-ci, et irriter l’estomac, contribuant dans certains cas à la formation d’ulcères. Il est susceptible d’interagir avec divers médicaments, modifiant leur efficacité.
Enfin, des études ont fait le lien entre la consommation de caféine pendant la grossesse et un retard de développement du fœtus. Les médecins recommandent donc souvent de limiter ou d’éviter complètement le café pendant cette période.

Les impacts du café sur l’organisme

Contrairement à une idée assez répandue, le café n’est pas acidifiant. Avec un score de -1.05 sur 35, il serait même légèrement basifiant si l’on se réfère à l’indice PRAL (Potential Renal Acid Load). Cette échelle mesure la teneur en minéraux d’un aliment et détermine ainsi son effet sur le pH du corps. Bien que le café ait un goût acide, son influence sur le pH du corps est en fait légèrement alcalinisante.
Sur l’échelle d’oxydoréduction, le café est plutôt oxydant si on s’en tient à sa composition. En effet, la torréfaction produit certains composés qui favorisent le stress oxydatif, tout en détruisant une grande partie des polyphénols qui ont les effets antioxydants. De plus, si on dépasse une vision réductionniste basée sur la seule lecture des composants, on peut considérer que l’action stimulante du café sur le métabolisme est fortement oxydante sur le long terme. En favorisant le catabolisme, le café force l’organisme à taper dans ses réserves sans tenir compte des besoins physiologiques et de la balance oxydative.

À chacun sa dose

La dose de caféine présente dans une tasse de café peut varier énormément entre les espèces de caféier, le processus de transformation et le mode de consommation.
Au niveau des espèces, le robusta contient généralement environ deux fois plus de caféine que l’arabica. Pour vous aider à vous situer dans votre consommation quotidienne, voici les différentes teneurs en caféine en fonction du mode de consommation :

  • Café filtre de 125 ml → 95 mg
  • Café à l’italienne de 125 ml → 62 mg
  • Expresso → 55 mg

La dose de caféine considérée comme acceptable pour la plupart des adultes est d’environ 250 mg par jour, soit l’équivalent à trois tasses de café filtre. Une consommation quotidienne supérieure à 600 mg est considérée comme excessive et peut entraîner des effets indésirables tels que l’insomnie, la nervosité, l’agitation, et même des problèmes cardiaques.
Il est important de noter que la sensibilité à la caféine diffère selon les individus. Certaines personnes ressentent les effets de la caféine même à des doses faibles, tandis que d’autres tolèrent des quantités importantes sans aucun effet secondaire. Cette différence de sensibilité proviendrait principalement de deux facteurs : notre capacité de dégradation de la caféine (via l’enzyme CYP1A2) et la sensibilité de notre cerveau (nombre de récepteurs à adénosine/caféine). Face à la caféine, nous ne sommes pas égaux.

Les alternatives café

Quelles sont les solutions alternatives au café ? Voici quelques idées de substituts pour diminuer ou arrêter le café.

  • Le café décaféiné : la majorité de la caféine en a été éliminée mais il est recommandé de choisir un décaféiné bio car le processus de décaféination utilise parfois des solvants problématiques comme le dichlorométhane.
  • Le café vert : il est préparé en laissant tremper 7 à 10 grains dans un verre d’eau toute la nuit. Riche en polyphénols, il assure un apport d’antioxydants intéressants.
  • Le gaillet gratteron : les graines du gaillet gratteron étaient torréfiées et moulues pour remplacer le café pendant la guerre. Alternative réservée aux courageux car c’est très fastidieux à faire !
  • La chicorée : une option sans caféine mais qui contient certains des arômes du café, dont son amertume caractéristique.
  • D’autres graines torréfiées : l’épeautre, le sarrasin (le sobacha japonais) et l’orge peuvent être torréfiés et se consommer comme le café.
  • Le chaga (Inonotus obliquus) : ce champignon, champion des antioxydants, peut être transformé en poudre pour une boisson exotique. Par contre, le goût n’aura rien à voir.

Repenser sa relation au café

Durant l’ère industrielle, le café est devenu un élément essentiel de la culture ouvrière. Il a été largement promu comme un moyen d’aider les travailleurs à tenir la cadence dans un environnement de travail toujours plus exigeant. L’auteur américain Michael Pollan a décrit le café comme la « drogue qui lubrifie les rouages du capitalisme », mettant ainsi en évidence les bénéfices pour le patronat d’une boisson qui améliore la productivité et l’efficacité de main-d’œuvre.
La présence de la machine à café sur le lieu de travail est loin d’être anodine. Présentée comme un avantage consenti aux employés, elle s’avère plutôt être un moyen d’optimiser leurs capacités cognitives et, in fine, d’améliorer la rentabilité de l’entreprise.
Sans vouloir être cynique, il paraît toutefois judicieux d’interroger sa consommation de café et notamment d’évaluer sa dépendance : « Suis-je dans une consommation mécanique et systématique ? » ou « Suis-je capable de ne pas en prendre sans être HS ? ». Ces questions peuvent vous indiquer si votre consommation de café est devenue une nécessité plutôt qu’un plaisir.
Ensuite, il est important d’examiner son état de fatigue générale. Cela englobe l’évaluation de la qualité de son sommeil, de l’état de ses surrénales et de son état de stress. Si sur ces critères vous présentez une fragilité chronique, la consommation de café peut rapidement devenir un cercle vicieux dans lequel chaque tasse offre un sursis et creuse un déséquilibre encore plus profond. Ce qui va, tôt ou tard, inévitablement conduire à un effondrement physique ou psychologique.
Recourir à une forte consommation de café pour tenir la cadence dans le cadre d’une situation ponctuelle comme un examen ou une échéance professionnelle est parfaitement entendable. Par contre, être sous perfusion de café pour maintenir une situation chronique, intenable sans cette béquille, va certainement hypothéquer votre santé sur le long terme.

Finalement la seule question à se poser reste celle-ci : « Qui servez-vous en buvant ce café ? ». Vous et vos papilles ? Votre patron qui aura son dossier dans les temps ? Le capitaliste ?
Intégrer davantage de conscience dans notre consommation de caféine est incontestablement bénéfique. Cette période pourrait même être l’occasion parfaite pour repenser notre relation au café, invitant à une réflexion sur l’alignement de nos choix avec nos valeurs et besoins profonds.

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