Voilà près de 10 ans que je m’intéresse à la découverte du vivant.
Que ce soit à travers des lectures, des formations ou des expérimentations, j’ai pu acquérir quelques connaissances sur les arbres, les abeilles, les plantes ou encore les champignons.
La naturopathie m’a ensuite permis de créer des liens avec le fonctionnement humain : anatomie, physiologie et interactions entre le monde extérieur et le milieu intérieur.
Enfin, j’ai eu l’occasion de m’enrichir de rencontres et d’échanges qui ont également fait évoluer ma vision des écosystèmes, des interactions, des émotions mais aussi des comportements.
Aujourd’hui, je ressens le besoin de poser par écrit une lecture du vivant qui s’est tissée patiemment. D’abord confuse, la trame est devenue plus lisible et j’ai désormais la sensation que mon prisme de compréhension commence à tenir la route.
La vie, un mouvement perpétuel
La vie est marquée par le mouvement. En fonction de l’échelle de temps et d’espace, ce mouvement peut être difficilement perceptible, mais il est pourtant toujours bien là.
En observant un arbre pendant 5 minutes, vous pouvez penser que cet être n’est pas vivant car il vous semble immobile. L’arbre est pourtant en mouvement : il est en interaction avec les autres arbres via le réseau mycorhizien, traite des informations, s’adapte, produit, transforme et sa sève brute circule jusqu’à 100 m à l’heure quand sa transpiration est maximale.
L’addition de toutes ses interactions à un instant T pourrait bien être supérieure à la nôtre. L’arbre engendre certainement plus de mouvements que nous sans même bouger. N’est-ce pas la classe ultime ?
Quand je parle de mouvement de vie, je pense plus précisément à une oscillation permanente entre deux polarités : d’un côté l’expansion et de l’autre la rétractation.
On retrouve ce mouvement oscillatoire dans les battements du cœur, dans la respiration ou encore dans le va-et-vient des vagues.
Anabolisme et catabolisme
Cette oscillation est observable à différentes échelles physiques et temporelles.
Dans notre organisme, chaque seconde donne lieu à plusieurs milliards de réactions enzymatiques. Ces réactions sont une succession d’anabolisme ou de catabolisme.
L’anabolisme agrège des molécules simples grâce à un apport d’énergie et crée ainsi de la matière compactée. C’est notre polarité de rétractation.
Le catabolisme détruit des molécules complexes et produit de l’énergie à la manière d’une explosion. C’est notre polarité d’expansion.
Les deux réactions sont indispensables à la vie. Ainsi une réaction d’oxydation (catabolisme) peut sembler négative pour une société dans laquelle les anti-oxydants font la une des journaux. Pourtant, sans oxydation, un organisme ne peut tout simplement pas fonctionner.
C’est la tension permanente entre catabolisme et anabolisme qui maintient la vie.
De la naissance à la mort
Sur l’échelle temps d’une vie humaine, il est également possible d’observer cette oscillation entre expansion et rétractation.
À partir de la fécondation, les cellules se multiplient dans une dynamique de croissance et donc d’expansion.
Avec l’âge, le renouvellement cellulaire ralentit et l’organisme perd progressivement sa teneur en eau. L’individu entame alors un mouvement de dégénérescence qui l’amènera inexorablement vers la rétractation de ses tissus, de ses muscles, de ses neurones, jusqu’à sa mort.
Il suffit de regarder en vitesse accélérée l’évolution d’un fruit, du bourgeon jusqu’à la pourriture, pour entrevoir très clairement cette oscillation entre expansion et rétractation. De nombreux time-lapses proposent des images très impressionnantes de ce va-et-vient de la vie.
Les polarités en naturopathie
La naturopathie évoque ces deux polarités à travers les deux tempéraments de Marchesseau : le sanguino-pléthorique et le neuro-arthritique.
Ici, l’expansion est la voie de la dilatation du sanguino-pléthorique : l’individu est jovial, extraverti, rond et va accumuler des surcharges pour finir avec des troubles cardio-vasculaires et du diabète.
À l’opposé, la voie de rétractation est celle du neuro-arthritique : une personne introvertie, longiligne et cérébrale qui va déclencher des pathologies articulaires ou neurologiques.
Le neuro-arthritique se renferme dans ses peurs, son individualisme et ses frustrations alors que le sanguino-pléthorique va se perdre dans sa sociabilité, son amour de la vie et les excès associés.
Dans l’approche théorique de Marchesseau, il faut viser l’équilibre entre ces deux polarités pour être en bonne santé. Pour ma part, je pense que l’équilibre en tant qu’état fixe n’existe pas.
La vie reste une succession de déséquilibres qui induit le mouvement. La marche n’est-elle pas une alternance de déséquilibres que nous avons appris à dompter pour nous déplacer ?
L’enjeu ne serait donc pas tant la recherche d’un équilibre utopique que le maintien d’un mouvement continu par l’oscillation entre les deux polarités.
De l’importance du mouvement
Chaque polarité présente des risques spécifiques.
Trop de rétractation va induire la sclérose, la sédimentation alors que trop d’expansion va engendrer une explosion, une dilution et, de manière plus générale, une disparition de l’unicité.
Dans les deux cas, l’extrémisme de chaque voie amène vers un immobilisme, synonyme de menace pour la dynamique vitale. Il convient donc de veiller à garder une oscillation entre les polarités le plus longtemps possible.
Attention toutefois à la question d’amplitude des oscillations. En effet, nous pouvons légitimement penser qu’une amplitude d’oscillation importante peut engendrer plus rapidement un épuisement de la force vitale. Osciller oui, mais sans faire systématiquement des allers-retours d’un extrême à l’autre !
Nos décisions et la morale
Pour revenir à des choses plus concrètes, prenons l’exemple de nos décisions. Si nous optons systématiquement pour des choix individualistes, guidés par nos peurs, nous allons nous isoler et finir par vivre reclus loin de toute dynamique sociale.
Dans l’excès inverse, toujours privilégier le bien-être collectif et faire ses choix uniquement par amour peut présenter d’autres risques même si la morale nous incite fortement à opter pour cette voie. Dans ce cas, le principal écueil est la disparition de l’individu pour un tout dans lequel sa vitalité personnelle va se désagréger.
La dynamique vitale étant amorale, il n’y a pas de bonne ou de mauvaise décision.
À mon sens, le plus important est d’essayer de prendre le maximum de décisions en conscience et de veiller à ne pas glisser uniquement dans une voie au risque de s’enfoncer dans un extrême néfaste au mouvement de la vie.
Le dernier mouvement
J’ai eu l’occasion de participer à une formation du Dr Bruno Chacornac sur la thématique du bien vieillir. Ce médecin généraliste expérimenté nous a partagé sa lecture de la fin de vie après des années à accompagner le départ de ses patient-e-s.
Le Dr Chacornac perçoit clairement les derniers moments de la vie comme un mouvement de la matière vers le spirituel. Il voit par exemple dans l’ostéoporose une manifestation de cette dématérialisation et regrette l’utilisation massive des opiacées qui empêchent, dans une certaine mesure, cette élévation spirituelle de la personne en la privant complètement de sa conscience.
Les derniers instants seraient donc l’occasion pour l’individu d’entamer un dernier mouvement vers la polarité de l’expansion. Une dernière oscillation dans ce cycle de vie.
Quitter l’individualisme pour le collectif.
Quitter la peur pour l’amour.
Et ainsi garder espoir.