Le grand épeautre, une céréale contemporaine

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Le gluten commence à être bien identifié comme un fauteur de troubles en matière de santé. Pourtant, il n’est pas toujours simple de renoncer à un bon morceau de pain… Mais savez-vous que le grand épeautre, céréale ancienne proche du froment, présente une toute autre tolérance digestive ? Je vous invite à découvrir tous les bienfaits de cet aliment oublié et qui présente des caractéristiques parfaitement adaptées à notre mode de vie actuel.

 

Le grand épeautre, perdu dans les blés

Quand on parle de céréales, les européens visualisent immédiatement un champ de blé dont les épis bougent au vent. Il faut dire que notre civilisation s’est construite autour de la culture du blé, une plante de la famille des Poacées qui s’épanouit dans les grandes prairies.

Il faut s’approcher des épis pour commencer à percevoir des différences entre blé et blé. Impossible de passer à côté de la botanique pour s’y retrouver. On distingue trois grandes espèces de blé à grain nu :

  • Le blé dur (Triticum turgidum ssp. turgidum),
  • Le blé poulard (Triticum turgidum ssp. durum)
  • Le blé tendre aussi appelé froment (Triticum aestivum ssp. aestivum).

Au gré des migrations et des croisements, d’autres espèces et d’autres variétés ont vu le jour. Le grand épeautre (Triticum aestivum ssp. spelta) aurait vu le jour en Europe aux alentours de 2300 av. JC. Mais les croisements ont continué et ce ne sont pas moins de 61 variétés de grands épeautres qui étaient référencés au catalogue de la Communauté européenne en 2018.

 

Quelle est la différence entre le petit épeautre et le grand épeautre ?

Et le petit épeautre dans tout ça ? En fait le terme “épeautre” était une appellation générique pour désigner les céréales rustiques à savoir :

  • Le petit épeautre (Triticum monococcum),
  • L’amidonnier aussi appelé moyen épeautre (Triticum dicoccum),
  • Le grand épeautre (Triticum aestivum ssp. spelta).

Les désignations botaniques nous permettent de constater que le grand épeautre est plus proche biologiquement du froment que du petit épeautre. On retrouve des différences importantes entre le petit et le grand épeautre aussi bien d’un point de vue génomique (14 chromosomes AA pour le petit contre 42 pour le grand) que morphologique.

La prochaine fois qu’on vous donne un pain de petit épeautre à la place d’un pain de grand épeautre, vous savez maintenant qu’il ne s’agit pas même pas de la même espèce de céréale.

 

Une céréale délaissée

Si le grand épeautre est si difficile à trouver, c’est que cette céréale ancienne n’a pas survécu aux sélections agronomiques du XXe siècle. Ces dernières visaient à accroître le rendement et à proposer des farines adaptées à la mécanisation de la panification. En mettant de côté les critères nutritionnels au seul profit des caractéristiques mécaniques, l’industrie alimentaire a favorisé le froment dont les protéines de gluten étaient particulièrement résistantes et donc offraient une bonne élasticité pour la transformation mécanique.

Le grand épeautre avec son grain vêtu, contrairement au grain de froment qui est nu, demande un travail supplémentaire de décorticage avec de le moudre. En plus de ça, son rendement est bien moins bon que celui du blé tendre. Il n’en fallait pas plus pour le mettre au placard sans le moindre égard pour son glorieux passé.

 

La période de gloire

Car oui, le grand épeautre a connu son heure de gloire. Ce qui semble être la seule céréale d’origine européenne a été très cultivée en Europe centrale pendant tout le Moyen-Age. Plus rustique, le grand épeautre était bien mieux adapté que le blé au climat rigoureux de l’époque.

Et surtout, il a bénéficié d’une mise en lumière par une grande influenceuse de l’époque : Hildegarde de Bingen (1098-1179). L’abbesse, grande figure de la phytothérapie européenne, était un personnage majeur de son temps. Or Hildegarde tenait en haute estime le grand épeautre (dinkel en allemand) auquel elle attribuait de nombreuses vertus : stimulant, reminéralisant, régulateur digestif, purifiant…

C’est finalement la redécouverte des écrits de Hildegarde par le Dr Hertzka dans les années 1970 qui fit sortir le grand épeautre du placard. Heureusement, des semences anciennes avaient été conservées, notamment en Allemagne et en Suisse, ce qui a permis de retrouver la variété vantée par Hildegarde.

 

Quelle est la composition du grand épeautre ?

Le grand épeautre présente un taux de protéines de gluten supérieur au blé. Dis comme ça, on se dit que ça démarre mal. Mais si on rentre dans les détails, on voit qu’il s’agit d’un taux supérieur de gliadines et inférieur de gluténines, notamment de gluténines à poids moléculaire élevé (HMW). Nous verrons plus tard que c’est ce rapport qui change tout en matière de tolérance.

Il contient également les 8 acides aminés essentiels : tryptophane, lysine, méthionine, phénylalanine, thréonine, valine, leucine, isoleucine.

Le grand épeautre est aussi plus riche en lipides (2,5% vs. 2,1%) mais surtout en minéraux : fer, zinc, magnésium, cuivre et phosphore. En plus, il présente une concentration en acide phytique moindre, ce qui améliore l’absorption de ces minéraux.

Côté vitamines, on retrouve les vitamines A, B1, B2, B6, D et E.

Enfin, le grand épeautre contient moins de glucides assimilables que le blé et par contre, plus de fibres. Cet équilibre glucidique est donc intéressant pour les personnes avec des sujets de glycémie.

 

Quels sont les bienfaits du grand épeautre ?

Pour bénéficier de tous les bienfaits du grand épeautre, il faut s’assurer qu’il s’agit bien des variétés anciennes non hybridées qu’on retrouve dans le commerce sous les dénominations suivantes : Ostro, Schwabenkorn, Tyrolien rouge, Oberkulmer ou Franckenkorn.

La composition change de manière significative entre des variétés anciennes non hybridées et des variétés modernes. C’est donc fondamental de s’assurer de la variété de grand épeautre.

Voici les bienfaits génériques :

  • Reminéralisation
  • Régulation du transit
  • Régulation de la glycémie
  • Boost immunitaire et énergétique
  • Régulation cholestérol
  • Régulation des allergies
  • Régulation du système nerveux (humeur, sommeil)

Voyons maintenant en détails le fonctionnement du grand épeautre en matière d’allergie et d’intolérance alimentaire.

 

Grand épeautre, allergie et intolérance au gluten

Nous l’avons vu plus haut : le grand épeautre contient des protéines de gluten. Mais sa composition spécifique lui assure une bien meilleure tolérance que le blé.

Les allergènes majeurs du blé sont les inhibiteurs de l’alpha-amylase/trypsine (ATI) et les omega-5-gliadines (O5G). Le grand épeautre contient moins d’ATI et moins d’O5G que le blé, ce qui limite les réactions immunitaires exacerbées. De plus, il va également être est moins riche en FODMAP, ces sucres qui favorisent la fermentation intestinale et les ballonnements.

Si on met de côté la maladie cœliaque pour laquelle il reste contre indiqué, le grand épeautre est une céréale qui mérite d’être testée pour les problèmes digestifs. Que ce soit dans le cas d’une sensibilité non cœliaque au gluten ou d’une fragilité de la muqueuse intestinale, nous avons vu que le grand épeautre n’aura pas le même impact inflammatoire sur l’organisme. C’est donc une vraie alternative au blé pour ceux qui ont cette sensibilité.

 

L’alternative contemporaine au blé

Il peut paraître surprenant d’associer l’adjectif “contemporain” avec une céréale aussi ancienne que le grand épeautre. Pourtant, nous avons vu que ses propriétés étaient parfaitement adaptées aux déséquilibres fréquemment rencontrés dans notre société.

Entre la flambée des maladies auto-immunes, l’augmentation du diabète de type 2, la multiplication intolérances alimentaires, la montée du stress, le grand épeautre semble être un aliment qui vient combler de nombreuses carences induites par notre mode de vie moderne.

En considérant que l’histoire est un éternel recommencement, il serait peut-être temps de redonner au grand épeautre sa gloire d’antan, non ?

Mais encore faut-il le trouver ? Si on cuisine, il sera assez facile à intégrer en remplacement du blé car on peut trouver de la farine ou des grains de grand épeautre en magasin. Par contre, il faudra bien chercher pour trouver une boulangerie qui propose un pain de grand épeautre (non hybridé). Amis boulangers, vous pouvez sauver le monde avec un bon pain de grand épeautre au levain !

 

Vous voulez en savoir plus sur le grand épeautre ?

Je vous conseille le livre du Dr Lilian Ceballos – “Hildegarde et l’épeautre” (IH Éditions), dont j’ai tiré une grande partie des informations de cet article.

 

Où achetez du grand épeautre ?

En magasin :

  • Dans certains magasins Biocoop sous la marque Moulin des Moines

Sur internet :

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